Voici le texte qui est affiché à côté des portraits des travailleurs de l'hôtel BAUEN au carré d'art, à Chartres de Bretagne près de Rennes.
toujours les photos:
expo portraits des travailleurs de l'hotel BAUEN
Tentative de témoignage d’une rencontre
Le portrait a toujours été une façon de documenter une réalité, une époque. Pourtant, depuis la photo d’un argentin appelé Ernesto Guevara réalisée par Alberto Korda, tout le monde sait maintenant que le portrait peut aussi devenir icône puis mythe. Mais le portrait de cet illustre personnage est serré et dépourvu d’élément le liant à toute temporalité. Mettant le “Che” au-dessus de toute contingence, cette image s’emploie à mettre en valeur un regard que l’on pourrait qualifier d’idéaliste.
Si les portraits des travailleurs de l’hôtel BAUEN sont également des portraits d’argentins, la démarche est diamétralement opposée. Ici, le décor est un élément fondamental du portrait. Les travailleurs de l’hôtel BAUEN, comme beaucoup d’autres en Argentine n’ont pas choisi la situation qui les a poussée à travailler sans patron. La présence du lieu de travail dans l’image est là pour rappeler que la vie de ces personnes est inévitablement liée aux contingences historiques, économiques et sociales.
Sans doute, l’histoire est le lien le plus intense entre le photographe, (c’est-à-dire moi) et les personnes photographiées… Mon accent, quand je parle espagnol, m’oblige à me présenter et à raconter d’où je viens… “je suis né en Uruguay, mais je vis en France parce que mes parents ont dû fuir avec moi la situation politique des années 70”. Le changement d’attitude est parfois indicible, parfois plus visible.
L’économie est liée à l’existence même de cette coopérative de travailleurs. Le “crash” de décembre 2001 étant l’élément déclencheur de cette “aventure”. La situation économique apparaît dans les images grâce à des éléments à première vue anodins comme la forme un peu ancienne d’un téléviseur de surveillance, comme les ustensiles de cuisine… Des éléments, (espérons-le pour ces images) qui devraient, un jour peut-être, témoigner avec plus d’émotion d’une condition donnée, lointaine dans le passé.
Le facteur social est plus complexe. Comme toujours, pour le portrait, les visages racontent. La photographie ne reste qu’un vecteur, qui tente, dans ce cas, le témoignage. Celui de la rencontre avec la volonté et la lutte. Des volontés et des luttes individualisées par le choix de la forme photographique parce que ces personnes n’avaient pas, pour la plupart, fait le choix d’un engagement politique et incarnent pourtant aujourd’hui un symbole. La simplicité de ces travailleurs m’a touché… Ceux qui regarderont ces images, je l’espère, pourront imaginer un neveu, une sœur, un parent…
Le crash économique de 2001 a détruit une certaine partie de l’organisation sociale. Les travailleurs de l’hôtel BAUEN, comme bien d’autres en Argentine ont été pris dans la tourmente et ont choisit eux-mêmes leur nouvelle forme organisationnelle. Cette expérience si elle m’apparaît admirable, a néanmoins été tentée par des gens « comme tout le monde ».
Si un crash se produisait demain en France…Peut-être serions-nous obligés de nous inspirer de ces expériences.
Martin Barzilai
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