Derniers ouvriers de Huelva (Andalousie)


Voici, une sélection personnelle de mon travail (pour les photos, cliquez là) sur la ville de Huelva et un texte pour expliquer la situation des ouvriers.


Située à moins de cent kilomètres à l'Ouest de Séville, Huelva est une petite ville andalouse d'un peu moins de 150 000 habitants. Entre deux fleuves et tout près de l'océan Atlantique, la petite agglomération doit son développement à l'implantation, il y a bientôt 50 ans d'un pôle industriel. Raffineries de pétrole, métallurgie du cuivre, transformation de la cellulose, industries chimiques et centrales thermiques ont envahi la périphérie et recouvrent 2400 hectares. Une des productions importantes du pôle: les engrais phosphatés. Celle-ci provoque l'accumulation de phosphogypses déposés systématiquement non loin de la ville dans les marais de Mendaña. Des études indépendantes montrent que ces résidus contiennent des métaux lourds et sont 22 fois plus radioactifs que la limite légale. Par ailleurs, Huelva a l'un des plus hauts taux de cancer de toute l'Espagne.
Aujourd'hui, dans les usines du pôle industriel, quelques 15 000 travailleurs sont à l'œuvre, mais peut être plus pour très longtemps. Ce ne sont pas les protestations des écologistes qui font fuir les industriels, mais la crise économique. La délocalisation commence déjà à sévir...

En arrivant dans cette petite ville du Sud de l'Espagne, il a fallu mettre de côté les préjugés. Le fait qu'il s'agisse d'un des endroits les plus pollués d'Europe pouvait en faire un coin épouvantable. En réalité, Huelva est une localité comme bien d'autres.
Mais en s'éloignant du centre, entre le fleuve Odiel et la zone industrielle, le paysage change. La fumée des cheminées d'un côté, l'eau et les pontons de l'autre.
Les camions se croisent à toute vitesse sur l'avenue Francisco Montenegro.
Après plusieurs jours, petit à petit, je gagne la confiance de quelques ouvriers qui travaillent sur ces pontons où accostent les bateaux remplis de produits chimiques venus alimenter les fonderies ou les usines d'engrais.
Au petit matin, quand le soleil ne s'est pas encore pointé à l'horizon, vêtus de bleu, ils transportent des briques dans des brouettes, cherchent leurs outils, baillent et se plaignent du froid.
"Au début, nous pensions que tu travaillais pour la direction, que d'une façon ou d'une autre, tu nous espionnais, mais ta façon de te comporter nous a démontré le contraire" me dit l'un d'entre eux.
La tension est palpable. Certaines choses se disent... d'autres non.
"On ne sait pas ce qui va se passer ici... Ils veulent retirer les usines..." me confie un autre.
Quand arrive l'heure du déjeuner, ils se détendent et donnent leur avis... "Ils veulent enlever les usines pour les mettre ailleurs... Mais si elles polluent ici, elles continueront de polluer dans un autre endroit... En fait, ce qu'ils veulent c'est de la main d'œuvre bon marché, c'est tout..."
Un autre jour, certains d'entre eux attendent l'arrivée d'une grue pour continuer à travailler au bout du ponton... L'un vient du Maroc, l'autre est né en Andalousie... " Et si on nous enlève notre travail, de quoi allons nous mourir ?" ironise l'Andalou... Ils rient mais peu de temps après, les visages se ferment... Ils ne disent plus rien... Au loin, on entend seulement une meuleuse.

À quelques minutes de là, l'usine Rhodia a déjà fermé depuis deux ans. Le groupe international a revendu ses installations à un « mercenaire » industriel qui les a laissées se dégrader. Mais les travailleurs continuent d'occuper les locaux pour éviter les pillages et dans l'espoir qu'un nouvel investisseur fasse repartir les machines.
Jose Perez Marocos, président du comité d'entreprise de l'usine ne cache pas sa nostalgie... Nous visitons les installations laissées à l'abandon, nous croisons un chien... Abandonné, lui aussi, il a été adopté par ceux qui viennent encore. « Quand on a travaillé dans un endroit pendant plus de 30 ans, on ne peut pas s'empêcher d'y revenir».

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je crois en avoir déjà vu publiées. Sur ton site ?
J'aime beaucoup ton texte.

Cécile c.

pat a dit…

Je continue à dire yeah.

martin barzilai a dit…

Merci, je.

Clare a dit…

Dans le monde de l'entreprise, la main d'oeuvre est la partie la plus lucide, la plus pertinente et la plus compétente du corps social. Elle n'est jamais écoutée: voilà le drame.

Yeah bis.

joan a dit…

felicidades martín! me gustan mucho tus fotos, sobre todo la del perro abandonado, claro que no quiere restar mérito a las otras!
me gusta también el texto, aunque el francés lo llevo muy mal!

un saludo!

martin barzilai a dit…

Muchas gracias Joan!